C’est curieux, cette époque si peu épique, où l’on se regarde vivre, on étouffe,
l’horizon est là à nos pieds
La difficulté de se regarder, d’être un peu content de soi, de se regarder vieillir.
C’est vrai,
on se voit vieillir.
On ne se voit pas vieillir,
ce qui est la même chose.
Feuilleter le petit livre d’autoportraits de Willy Ronis, et se dire « pourquoi pas »
Des images prises comme ça, sur un coin de table, sur le miroir d’une salle d’attente,
dans ces moments d’attente et d’ennui.
Le photographe qui a toujours cherché à disparaître de ses images,
qui a toujours détesté les images de soi, et qui s’y est toujours trouvé l’air con,
un pas de côté, se regarder regardant,
des images, peut être comme un rappel à l’ordre, ou quelque chose comme un crachat sur soi,
ou bien une petite musique contente d’elle même,
La photographie est aussi célébration, on met ou on quitte son masque,
mon cul sur la commode ou rappel à un peu d’humilité,
d’où venons nous ? Tout simplement, avec nos rides, nos fatigues, nos façons de marcher.
Un oiseau est posé sur l’épaule de chacun de nous.
le photographe regarde d’où il vient,
quelques photographies tricotent sa mémoire,
Une paysanne, Alphonsine, l’arrière grand-mère, dite Mémère Foncine,
et Emile, son mari, dit Pépère Emile,
tous deux avec un coeur immense,
et leur fille Marguerite, paysanne, grand-mère, dite Mémère Marguerite,
séduite puis abandonnée, avec un petit garçon, Edmond, qui fit son chemin dans l’école de la République.
Edmond, dans sa blouse grise, et sa femme Denise, elle aussi institutrice, qui apprit à lire à tous ses enfants.
La photographie de mariage se fera dans la cour de la ferme,
une bassine sera oubliée dans l’image, comme un rappel à la modestie,
On est en 1928, 10 ans après la fin de la guerre, Edmond et Denise ont tout juste 21 ans,
et le frère ainé de la mariée, l’oncle Gaston, revenu à 2 d’une attaque au Chemin des Dames où il était parti avec les 300 soldats de son bataillon et qui toute sa vie rumina en roulant les « R » une grande question sans réponse.
(Réécouter la chanson d’Allain Leprest, « tout c’qu’est dégueulasse porte un joli nom » ).
50 ans plus tard, combien de pulls Marguerite et Denise ont elles tricoté pour leurs enfants et petits enfants, à combien d’enfants Denise a-t-elle appris à lire et à écrire, et Edmond, combien d’enfants a-t-il menés au Certificat d’études et à l’entrée en 6 ème ? Combien de Canards enchaînés a-t-il lu depuis la fin de la guerre, combien de fois a-t-il chanté le Temps des Cerises d’une voix de plus en plus incertaine à la fin des repas de fête ?
Et Denise, la maman, se plaignant toujours d’être mal peignée, plutôt ronde, et petit à petit,
se rapetissant, jusqu’à disparaître.
Nous resterons rois de nos douleurs,
Alors on arrête et on continue, sous le regard bienveillant des danseurs de Louis Soutter.
une autre célébration:
Je vous invite à pousser la porte de l’atelier de celle qui partage ma vie, Catherine,
Catherine,
Catherine Rauscher,
qui ouvre la porte de son atelier les 28, 29, 30 et 31 mai,
18 rue de Tourtille, à Belleville,
à l’occasion des Portes Ouvertes des Ateliers de Belleville 2021
(Dessiné en janvier)
Philippe Rauscher
Mai 17, 2021 at 16 h 07 min
Émouvant comme toujours. Merci André.
Marianne
Mai 17, 2021 at 16 h 54 min
Merci, c’est très émouvant!
Michelet
Mai 17, 2021 at 17 h 20 min
Ravie de te découvrir un peu plus,nous ne manquerons pas de passer à l’atelier à l’occasion des portes ouvertes .En attendant, bonne pêche pour les prochains « Mercredi à Rungis ».Bises
Florence Haguenauer
Mai 17, 2021 at 17 h 46 min
Magnifique. C’est bel et bon d’avoir de tes nouvelles de cette manière là. Merci
sylviane fabre
Mai 17, 2021 at 19 h 18 min
Parler de soi, reste un merveilleux hommage aux tiens. Voir et se reconnaître dans tous ces visages, tous ces moments de vie qui surgissent comme un lien résolument amoureux à la fois éternel et éphémère. merci André. merci.
Fanny langevin
Mai 17, 2021 at 19 h 58 min
émouvant oui, mais plein d’énergie aussi.
Thomas Landon
Mai 17, 2021 at 20 h 40 min
Magnifique et très émouvant, cher André. Nous viendrons pendant les journées portes-ouvertes. Je vous embrasse tous les deux
Jean-Robert Franco
Mai 17, 2021 at 20 h 41 min
C’est très beau et très poignant tout ça. C’est l’histoire un peu incompréhensible de l’humanité qui persiste à se succéder à elle même tout en permettant à chacun d’entre nous d’effectuer sa ronde, de se livrer à ses facéties, faire son petit tour et puis s’en va…
Nicolas Quinette
Mai 17, 2021 at 20 h 47 min
Bravo André, ta série est très touchante
Blumental David
Mai 17, 2021 at 21 h 03 min
J’ai beau être laminé par la COVID en ce moment, mais dans ma chambre d’hôpital ce cahier de souvenirs et de notes a mis de la chaleur et de la tendresse. Merci André
Giulia
Mai 17, 2021 at 21 h 54 min
C’est toujours aussi beau et émouvant de voir et de lire… merci. Giulia
Pavlowsky
Mai 17, 2021 at 23 h 20 min
Je passerais! Voir ces photos , rares , elles touchent juste !
ibadioune lounis .
Mai 18, 2021 at 0 h 43 min
j’ai bien recu ton mail et les differents photos que je trouve de bonnes qualites et les expressions que leurs donnes .mes amities .
Michel Grosman
Mai 18, 2021 at 2 h 31 min
Voilà une belle manière de se raconter et qui donne envie d ‘en connaitre plus. La photo quand elle est humaine attire le regard et donne envie de connaître l’envers du décor.
Jacqueline Schuchman
Mai 18, 2021 at 8 h 02 min
Très intéressant j’aime beaucoup !
Catherine Gégout
Mai 18, 2021 at 8 h 46 min
Un grand merci André, comme cet album te ressemble!
Iwona Lisicki
Mai 18, 2021 at 9 h 30 min
Parfois le passé nous fait envie, nous aimerions y retourner mais ce n’est pas raisonnable, on le garde dans nos rêves et nos photos. Merci André, grâce à tes photos j’ai voyagé dans le passé. Les temps sont mornes, figés, j’ai beaucoup aimé vous retrouver à l’atelier la dernière fois, je vais essayer d’y passer à nouveau. A bientôt
Max Denes
Mai 18, 2021 at 9 h 36 min
Tu ressembles bien à Denise. A bientôt. Je vous embrasse.
Gérard Tuscher
Mai 18, 2021 at 10 h 17 min
…et ,surpris, voilà que l’ intime nous méne a l’universel…si touchants tous les deux..indissociables…
Alex Jordan
Mai 18, 2021 at 10 h 29 min
Vie poétique toujours…
Suzel Galia
Mai 18, 2021 at 10 h 46 min
André, le discret, a osé baisser un petit peu le masque… et ce peu est fort beau. J’aimerai tant m’asseoir dans la cuisine, aux coté de Denise et Marguerite…
Après « Les cadeaux du hasard » et « Confinement » tu nous fais encore un magnifique cadeau !
BETEMPS
Mai 18, 2021 at 11 h 08 min
Merci André pour ce moment d’humanité pour la sensibilité des photos et la tendresse des mots. Cela donne sacrément envie de remettre l’horizon à sa place.
Jean-Jacques Barey
Mai 18, 2021 at 11 h 59 min
Magnifique ! Comme Florence : c’est bien d’avoir de tes nouvelles de cette façon… Comme Catherine : cet album te ressemble… En faire un livre ?
Charlotte Flossaut
Mai 18, 2021 at 16 h 13 min
Bravo et merci André! Pas facile pour toi, mais il fallait nous laisser nous approcher de ton histoire, pour nous, pour toi, pour eux, pour tes photographies…C’est fait et si bien….
Chaunac Jean-Claude
Mai 18, 2021 at 17 h 20 min
Une ballade photographique poétique pleine d’humanité entre deux mondes. Merci André pour ce magnifique partage!
Stephan Norsic
Mai 19, 2021 at 11 h 16 min
J’aime. Merci pour ce petit voyage. C’est sensible.
quesnay
Mai 19, 2021 at 15 h 27 min
Bonjour et merci amis,
j’aime beaucoup le dessin peinture de Catherine qui précède l’invitation aux portes ouvertes des ateliers de Belleville 2021, cette trace ocre brique qui semble recouvrir deux … présences photos(?), dissimulées dessous, à la suite des portraits ,André, que tu partages.
Irène
Florence Ostier
Mai 19, 2021 at 18 h 49 min
Cher André, mais quelle belle surprise. Oui c’est beau et émouvant. Merci pour cet autoportrait minimaliste dans lequel tu réussis à inscrire tes pas dans ceux de tes ayeux et à travers eux à donner visage à tous ces « gens de peu » qui ces 100 dernières années ont incarné -quoique invisibles- l’ossature du pays. Bravo, j ai beaucoup aimé.
Amitiés et fortes pensées. Un grand bonjour à Catherine. Belles journées Portes Ouvertes 2021 ! Flo.
Marie-Françoise Lipp
Mai 19, 2021 at 20 h 38 min
Ainsi passe le temps. Toujours dans le même sens. Pas de rewind. On ne t’oublie pas.
Christian Esthevenin
Mai 19, 2021 at 22 h 08 min
Merci André de ces moments de retrouvailles poétiques…
Ému… très ému… à retrouver ces lieux… à plonger dans l’histoire de nos souvenirs… Merci !! C’est magnifique !!!
Jean-Louis Sani
Mai 20, 2021 at 0 h 23 min
Merci André c’est tout simplement superbe cette trace de vie que tu nous offre
Patricia Lecomte
Mai 20, 2021 at 6 h 53 min
Ça transporte… faire de l’épique des “petites vies”… merci André 😉
Jean-Louis Sagot-Duvauroux
Mai 20, 2021 at 11 h 17 min
« Soi » est un tissage. « Parler de soi », c’est évoquer les fils que la tisseuse a tressés, le fil « on ne se voit pas vieillir » avec le fil « on se voit vieillir »… et tous les autres. Vive la vie et plein de bises.
Lucien Marchal
Mai 22, 2021 at 9 h 41 min
Salut André… Heureux de retrouver ton regard, fidèle à toi même. Reçois mon amitié toute aussi fidèle malgré les si longs silences.
Eric Facon
Mai 22, 2021 at 10 h 11 min
A quand un livre pour célébrer tout ça ?
« Le cœur bleu d’Émile ». Je choisis ce titre.
Sylvain BERGOUNIOUX
Mai 22, 2021 at 19 h 06 min
Entre deux rencontres fortuites au coin d’une manif, ton mail m’a infiniment touché, merci.
Benoit Mougne
Mai 22, 2021 at 19 h 17 min
Merci André. Photos et mots très touchants, une fois encore
FORESTIER
Mai 23, 2021 at 12 h 00 min
Magnifiques évocations de plusieurs vies, de plusieurs points de vues. J’espère remonter à Belleville un jour et vous y rencontrer. Amicalement Catherine FORESTIER
Bielka
Juin 16, 2021 at 13 h 39 min
Toujours très en retard, la Bielka…. qui a du mal à voir le temps se défiler sous ses pas, lui rire au nez. Et de répondre par une chansonnette ou un pied de nez selon l’humeur.
Magnifique plongée dans tes photos , ton passé avec ces gens si touchants qui ne sont plus, et « nous les portons en nous pour ne pas les laisser derrière » ( chanson de Yupanqui « hermanos »). Et nous, si proches et contemporains qui ne nous rencontrons jamais! Vous me manquez…
Je vous embrasse tous deux, je prends ma guitare pour un « temps des cerises », allez….
Bielka
MADELAINE
Juin 23, 2021 at 3 h 00 min
Ne T’inquiète pas Cousine* BIELKA !
Y a toujours plus en retard !!!
Merci une fois encore à Toi Cousin* André,
pour nous parler, cette fois ci, de celles et ceux dont tu viens et qui nous permettent à nous cousin.e.s* contemporain.e.s, grâce à celles et ceux dont nous venons, de croiser nos chemins de vie et ce avec tendresse, poésie et bonheur.
*Tous et Toutes Cousins Cousines (au moins) puisque manifestement nous partageons nos ancêtres des tous débuts de notre Humanité
Eric MADELAINE